Interview d’Alonso Ruizpalacios et Soundos Mosbah / film « La cocina »

Tristan Baille : Bonjour Mr Ruizpalacios. Ravi de vous rencontrer après ce film «La cocina », ici à Deauville.

Alonso Ruizpalacios : Ravi également.

Tristan Baille : C’est une pièce de théâtre au départ. D’où vient l’idée de l’adapter ?

Alonso Ruizpalacios : C’est une œuvre que j’ai connu en travaillant à Londres. Dans une cuisine dans le genre du film. Très grande. Et j’ai découvert cette œuvre quand j’étudiais. Une œuvre qu’il fallait capturer en un seul jour et qui pourtant semblait durer une éternité dans la vie des cuisiniers. Une œuvre écrite par quelqu’un qui connaît cet univers. Et dans ce cas un moment de pression et d’hostilités d’une part et de générosité mêlée de camaraderie d’autre part. Une contradiction qu’on retrouve d’ailleurs dans le rôle de Soundos Mosbah. Dure mais qui te tend la main quand tu as un problème. Ce qui est l’idéal pour commencer une histoire. Donc j’ai commencé avec la pièce de théâtre mais avec une certaine liberté. 

Tristan Baille : Peut on vraiment rêver d’avenir dans un lieu pareil ? Avec une telle tension ?

Alonso Ruizpalacios : Il y a une phrase que j’ai enlevé dans ce film. Quelqu’un disait à Pedro «Tu ne nous as pas dit ton rêve ». Et il répondait «Tu ne peux pas rêver dans une cuisine ». 

Tristan Baille : C’est fort.

Alonso Ruizpalacios : Je crois que c’est le cœur du film. La tension entre les rêves et leurs limites. Leur impossibilité. Le film commence avec de la poésie car le reste n’est pas plein de douceurs.

Tristan Baille : Pourquoi le choix du noir et blanc ?

Alonso Ruizpalacios : Je l’ai imaginé ainsi en l’écrivant. Je le savais. Une intuition. J’ai fait des essais.  Mais c’était clair. Et je ne voulais pas d’une réalité absolue mais d’une fable un peu magique. Le noir et blanc vous force à voir des choses cachées mais exceptionnelles. 

Screenshot

Tristan Baille : Soundos Mosbah m’a dit que les répétitions seraient déroulées comme au théâtre ?

Alonso Ruizpalacios : C’était nouveau pour moi aussi je dois dire. C’est ce que j’ai dit d’ailleurs aux producteurs dès le départ. On ne peut pas faire ce film sans des répétitions. C’est inhabituel au cinéma, souvent vous répétez 1 ou deux jours. Un week-end dans l’idéal. Or je voulais toute l’équipe en répétition à Mexico. Et on a fait ça dans l’espace d’un théâtre. Découvrant les personnages des uns et des autres. Se les approprier. Surtout pour apprendre les gestes des cuisiniers. En créant un restaurant en studio pour que la caméra soit fluide parmi les acteurs.

Tristan Baille : Ces travailleurs illégaux qui veulent s’en sortir…un thème essentiel à vos yeux ?

Alonso Ruizpalacios : Au Mexique, c’est un phénomène actuel important. Ceux qui ne trouvent pas de travail sont nombreux. Ils veulent avoir de l’argent et ce film rend visibles ceux qu’on ne voit pas et qui pourtant nous servent.

Tristan Baille : Merci Mr Ruizpalacios. Vous avez mis de la poésie là où il n’y en a pas.

Alonso Ruizpalacios : Merci à vous. 

Tristan Baille : Soundos Mosbah. Merci d’être présente pour cette interview. Parlons immédiatement de l’histoire d’amour de ce film. Est ce vraiment possible dans un rythme aussi dingue selon vous ? 

Soundos Mosbah : Oui. N’importe où même. Surtout dans un univers aussi stressant. Une grande partie de leur vie est là. Pas à l’extérieur. Je suis issue de l’immigration et je suis le produit d’une de ces rencontres. 

Tristan Baille : Votre personnage est à la fois tragique et comique. C’est un choix imposé ? Personnel ? Les deux ?

Soundos Mosbah : Prenons par exemple la scène du rush avec le cherry coke. On n’a pas le temps de rester dans la tragédie. Malgré eux les personnages deviennent comiques. C’est Alonso qui a voulu cet effet. 

Tristan Baille : Avec ces cours de cuisine ?

Soundos Mosbah : Un mois de répétitions. Exécuter des gestes fluides. À partir d’impros, d’avis, de débriefing, nourrissant le film, avec une alchimie qu’on devait ressentir à l’écran. Le climat tendu qui y règne…l’histoire d’amour. Toute une atmosphère devait exister.

Tristan Baille : Oui je soupçonnais tout le monde avec le fameux vol. 

Soundos Mosbah (rires) : J’avoue c’est électrique par moments ! Mais Alonso a montré la lumière sur ces personnes invisibles. Et leur quête d’un nouveau rêve en immigrant. Au cœur d’une réalité qui les rattrape. Tous les personnages ont cette tragédie en eux. Alonso Ruizpalacios s’est inspiré de vraies personnes. Qui sont d’ailleurs très doués en tant que chefs mais qui manquent d’opportunités pour le prouver.

Tristan Baille : Et comment tu définirais ton personnage dans ce film ?

Soundos Mosbah : J’interprète le rôle de Samirah. Un personnage inspiré par Alonso d’une de ses collègues quand il était étudiant. Il travaillait dans un café qui s’appelait «Rain Forest » à Londres et il y avait cette femme là, qui était très forte et pouvait même faire peur, mais qui en même temps avait une figure un peu maternelle.

Tristan Baille : Quelle difficulté principale tu as rencontré avec ce personnage dans ce lieu clos, intimiste, fermé, où on rêve de s’installer aux USA pour s’en sortir ?

Soundos Mosbah : La difficulté était d’être investie à chaque moment. De la même manière. Sinon ça ne pouvait pas marcher. Comme ces longs plans séquences avec cette synchronisation obligatoire ! Ça va très vite et il faut se concentrer. 

Tristan Baille : Merci pour cet entretien.

Soundos Mosbah : Merci à vous.

« Les Misérables » au Théâtre du Châtelet

« Les Misérables » au Théâtre du Châtelet

Cette comédie musicale dure 3 heures et fut originellement produite sur scène à Londres et à Broadway par Cameron Mackintosh.
Un Livret d’après le roman de Victor Hugo. Adapté par Trevor Nunn et John Caird.
La musique, sublime, est de Claude-Michel Schonberg.
La mise en scène de Ladislas Chollat est judicieuse, s’adaptant à tous les éléments visuels et sonores. Les artistes venant jusque dans la salle.

Deborah Leclercq : la tendance musicale à suivre.

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J’ai découvert Deborah Leclercq au Théâtre Michel. Dans « ma version de l’histoire », de Sébastien Azzopardi. Une vraie prestation pour ce personnage armé d’une guitare et de bien d’autres atouts qui mettent la pagaille dans un couple en galère. Un vrai talent pour la comédie.

Je sais que cette disciple de l’école Claude Mathieu a joué aussi dans « Le tour du monde en 80 jours », ou « Au bonheur des dames ».

Mais ce qui m’avait également surpris à la fin de la pièce, c’est le moment où elle a chanté.

« In Portifino I found my love »…je m’en rappelle encore.

Sa voix. La douceur et la gravité. Son aisance avec la guitare. Le public silencieux et, comme moi, bluffé.

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