Cher Evan Hansen

Dans l’ombre vibrante du théâtre de la Madeleine, Cher Evan Hansen déploie un univers fait de silence palpable, de mots suspendus et de musique qui nous touche directement. C’est une pièce qui ne cherche pas à impressionner par les artifices, mais à nous inviter, humblement, dans le monde intérieur de ses personnages.

Le plateau ne crie pas, il susurre. Quelques structures mobiles, quelques surfaces lisses, et surtout une complicité avec la lumière et la vidéo : ce décor semble fait pour vivre. En un glissement, une cloison devient mur de lycée, un cube devient meuble, un écran devient fenêtre intime. Le numérique n’est pas envahissant : il traduit un rapport à l’écran, aux écrans, tout autant qu’il nourrit le silence. À plusieurs reprises, on a l’impression que les protagonistes marchent à l’intérieur de leurs pensées, et que le décor les suit avec une discrète fidélité.

Dans ces parenthèses visuelles, le spectateur perçoit les fractures intérieures, les doutes, l’absence. C’est précisément dans ces espaces « vides » que l’émotion surgit, un geste, un reflet, un souffle.

Olivier Solivérès ne s’offre jamais en éclats, mais en justesse. Les déplacements respirent, ne paraissent jamais soumis à un plan rigide. On assiste à des rapprochements, des ruptures, des reculades : le corps dit autant que la parole. Les scènes se nouent comme des confidences, parfois dans un face à face presque brutal, parfois dans un retrait prudent.

L’un des traits sensibles de cette mise en scène est le soin donné à la temporalité, à l’instant. Certaines respirations sont longues, presque suspendues, d’autres rapides, coupantes. La transition entre le silence et le chant ne choque pas, elle paraît juste : le chant éclot où le cœur ne trouve plus de mots.

Le français, adapté avec finesse, ne sonne pas en traduction, mais en nuance. Il ne gomme pas les élans, n’appauvrit pas l’âme, mais permet au public d’entrer, avec clarté, dans ce monde d’errance intérieure.

Les voix ne cherchent pas à briller pour elles mêmes, elles portent. Antoine Le Provost, dans le rôle d’Evan, ne déploie pas de coffre excessif : il avance avec une présence tremblée, une intensité retenue, un souffle proche du murmure dans les moments les plus secrets. On a vu des visages se tendre, des larmes s’approcher.

Les autres voix, Connor, Zoé, Jared, Alana, ne sont pas des choeurs d’arrière plan : chacune ajoute une singularité sensible au tissu dramatique. Les blessures, les espoirs, les reproches ou les remerciements se disent en hauteur quand il le faut, ou en voix intérieure quand le protagoniste est seul avec sa conscience.

Lorsque l’orchestre joue en direct, la matière sonore s’amalgame avec la respiration des comédiens. Les silences instrumentaux pèsent parfois plus que les accords, plus que les mots. On sent qu’il y a un dialogue permanent entre la musique, le chant, la détresse, la beauté.

On ressort de la salle comme on se relève après avoir lu une lettre bouleversante : un peu sonné, chargé, traversé. Cher Evan Hansen ne promet pas d’évasion facile. Il propose une plongée. Il parle d’absence, de solitude, mais aussi de fragilité, de rencontre, de pardon.

C’est une comédie musicale dont la puissance vient de la tension délicate entre la retenue et l’explosion. Le spectacle déploie une langue intérieure, un paysage émotionnel, un chant de l’instant, et réussit à faire exister, sous nos yeux, ce fragile murmure que chacun porte en soi : « J’existe ».

Le fantôme de l’Opéra au Théâtre Antoine : quand la nuit se met à chanter

Le fantôme de l’Opéra au Théâtre Antoine : quand la nuit se met à chanter

Paris n’en finit jamais de se rêver en théâtre. Mais cet automne, c’est une autre ombre, plus ancienne, plus obsédante, qui viendra hanter la scène du Théâtre Antoine : celle du Fantôme de l’Opéra. Sous la plume de Benoît Solès et la direction de Julien Alluguette, le mythe renaît pour offrir une création musicale française, une relecture sensible et flamboyante du roman de Gaston Leroux, où la voix humaine devient miroir de l’âme.

Tempur

Tempur

Il y a des nuits qui vous redressent le dos et d’autres qui vous redressent la vie. Tempur appartient à cette seconde catégorie. Derrière son nom un peu futuriste se cache une promesse : celle d’un sommeil calibré comme une mission spatiale, doux comme un atterrissage sur la Lune.

« Le bourgeois gentilhomme » de Molière

« Le bourgeois gentilhomme » de Molière

Le Théâtre Antoine accueille cette saison une nouvelle version du Bourgeois gentilhomme mise en scène par Jérémie Lippmann, avec Jean Paul Rouve dans le rôle de Monsieur Jourdain. Le pari était audacieux : revisiter le chef d’œuvre de Molière sans le dénaturer, tout en y insufflant la fantaisie et l’énergie d’un spectacle total. Le résultat est éclatant : deux heures d’un théâtre à la fois foisonnant, drôle et profondément humain.