Le mensonge n’est certes pas le meilleur départ pour une histoire d’amour. Surtout en commençant avec un site de rencontres qui n’affiche qu’un profil, un handicap non formulé pour éviter de voir l’homme qui ne vient même pas, et ce corps qui reste assis.
Et pourtant, sans spoiler, lequel est vraiment en handicap ? Chacun se posera bien des questions en sortant de cette pièce, où l’amour se pointe quand les personnages s’avouent la vérité.
Il y a une sorte de mea culpa dans ce spectacle. D’aveu courageux et sincère. Celui d’un auteur qui se livre et s’interroge sur ce qu’est la vraie beauté. Loin des artifices et des préjugés. Le texte peut sembler transgressif, provocateur, en apparence. En réalité, ce talentueux Franck Buirod met les pieds dans le plat et appelle les choses par leur nom.
Les deux personnages sont touchants. La lumière passe par leurs fissures. Et la mise en scène apporte son lot de sensualité, de rires, de poésie, de chants et de danses, tout en flirtant avec un cynisme cruel. Car il s’agit bien d’un personnage masculin maladroit, en difficulté, en quête de proies féminines parce qu’il a peur de se livrer, et qui va, peu à peu, se mettre à nu, affronter ses peurs, accepter son propre handicap. Et c’est le brillant tour de force de Franck Buirod. Son texte fait rire tout en soulevant des questions essentielles.
Une jolie voix, de la danse, et un à priori s’étiole lentement, s’efface, jusqu’à une déclaration d’amour, intense dans un cri de désespoir. Malgré son handicap, c’est elle qui est debout, qui marche et avance, pleine de projets et de rêves.
Encore une fois, l’écriture de Franck Buirod a cette capacité de faire rire en se jouant des idées reçues. Il passe d’une vulgarité réaliste, proche du quotidien, à une finesse d’esprit, avec des regards qui en disent longs, des silences bavards que le metteur en scène parvient à créer en s’appuyant sur ses situations.
Le rythme des répliques est effréné, ponctué d’instants de grâce où un talent s’exprime, un corps aux chorégraphies qui s’envolent, une voix douce et mélancolique, en dépit de cette chaise qui roule bien sa bosse malgré tout. Et si c’était ça, aimer ? Accepter la peur d’échouer, la peur de l’inconnu, la peur d’un passé peu glorieux, surmonter ses échecs et finir par les aimer ?
Franck Buirod livre ici une pièce subtile, intelligente, à la fois humble et puissante, un miroir de notre époque aseptisée où Tinder n’offre que du passager.
« Et si c’était elle ? »
De Franck Buirod.
Mise en scène de Pascal Bendavid.
Avec :
NAWELLE EVAD
HUGO HAMDAD
LAURA BERNARD
BASTIEN FONTAINE-OBERTO
ADÈLE BLOCH-MAZIER
JEREMY BARRIÈRE
THÉÂTRE
MONTMARTRE GALABRU
4 RUE DE L’ARMÉE D’ORIENT 75018 PARIS
TOUS LES VENDREDIS À 21H30
DU 10 JANVIER 2025 AU 28 MARS 2025