Brillante mise en scène de Stéphane Varupenne, à la Comédie Française, pour « Le suicidé » d’après Nicolai Erdonen. 2 h 20 intenses. Sans entracte. Et jusqu’au 2 février 2025. Éric Ruf livre une scénographie parfaite et j’avoue que les costumes de Gwladys Duthil sont parfaits pour les personnages, presque des miroirs de leur personnalité. Les lumières de Nathalie Perrier accompagnent les atmosphères tragiques ou burlesques, sans oublier ces danses de Marlene Saldana, tour à tour modernes, actuelles, lascives ou délirantes, qui créent du rythme sous la direction musicale de Vincent Leterne.
Il est au chômage, Semione. Cette nuit là, il veut un peu de saucisson. Normal au milieu de la nuit. Le public rit. Les personnages s’énervent. La dispute commence. La cuisine se transforme en tasses brisées comme des vies. Un drôle de chaos. Mais Semione disparaît. Et la peur arrive. Veut il mettre fin à ses jours et quitter sa vie « médiocre » ?
Le voisin coquin intervient et interprète tout de travers. Le public est toujours hilare malgré la thématique. La rumeur enfle. Et nous voilà avec une galerie de personnages qui défilent pour se sentir valorisés.
L’ombre de Staline n’est pas loin. Comme si la collectivité détruisait la personnalité de chacun ou que, comme le dit Shakespeare, « la forêt empêche de voir les arbres ».
Semione s’imagine soudain martyr de son illusion. Et quitter potentiellement ce monde devient un symbole, une alternative louable pour le combat de tous.
Mais évidemment, Semione a des doutes et cette comédie présentée à la Comédie Française est une réussite. Je peux même déguster une chanson de Queen. Adaptée par un chœur soviétique en peine, parce que jouer de l’helicon est trop difficile. La fin de l’existence est politique. C’est une question humaine, humoristique, musicale, pathétique, pour ces délateurs prudents, entassés les uns sur les autres dans leur immeuble.
Semione se retrouve au milieu des spectateurs, un héros bien fragile et éloquent. Menteur et sincère. Ça rappelle un peu Gogol, cet aspect grotesque et touchant, où la promiscuité multiplie la peur, même si les voisins passent et repassent comme s’ils étaient libres.
Banquet final. Comédie musicale. Chœur de folie. Piano. Guitare. Clarinette. Bougies envoûtantes.
Semione, c’est un peu nous.
Vive le Théâtre.