Quand Montmartre rend hommage à son passe-muraille

Par Mallorie

Dans les ruelles sinueuses de la Butte, un hôtel pas comme les autres invite à redécouvrir l’un des plus grands enchanteurs de la littérature française

Il y a des lieux qui racontent des histoires avant même qu’on y pose le pied. L’Hôtel Littéraire Marcel Aymé, niché au croisement de la rue Tholozé et de la rue Durantin, appartient à cette catégorie rare. Ici, chaque détail murmure le nom de celui qui fit de Montmartre son terrain de jeu littéraire pendant plus de quarante ans.

L’art de faire revivre un quartier

Quand on pousse la porte de cet établissement quatre étoiles, c’est d’abord un parfum d’authenticité qui nous saisit. Fini les hôtels impersonnels aux décors standardisés : nous voici plongés dans l’univers feutré et malicieux de Marcel Aymé, là même où l’auteur du Passe-muraille aimait déambuler quotidiennement.

L’architecte Aude Bruguière et son équipe ont orchestré une véritable mise en scène. Dès l’entrée, le ton est donné : un grand portrait de l’écrivain traverse un mur de briques blanches, clin d’œil évident à son personnage le plus célèbre. Au plafond, les empreintes des Bottes de sept lieues semblent s’envoler vers la Franche-Comté natale de l’auteur. Partout, des détails qui éveillent la curiosité : des lettres partiellement effacées, un livre mystérieux qui traverse une cloison…

Trente-neuf invitations au voyage

Chacune des 39 chambres porte le nom d’une œuvre ou d’un ami de Marcel Aymé. Dormir dans La Jument verte, se réveiller aux côtés de Jean Anouilh, prendre son petit-déjeuner en pensant aux Contes du chat perché… L’hôtel transforme le séjour en parcours initiatique.

Jean Aubertin a spécialement créé une aquarelle pour chaque chambre, accompagnée de citations soigneusement choisies. Ces écrins intimes invitent à la rêverie, entre mobilier contemporain et références littéraires. L’applique « Goutte d’encre » rappelle subtilement la plume lumineuse de l’écrivain, tandis qu’un cabinet de curiosités évoque tour à tour ses souvenirs, ses amis, son enfance franc-comtoise.

Une bibliothèque vivante

Car l’Hôtel Littéraire Marcel Aymé n’est pas qu’un lieu de passage, c’est un véritable centre culturel. Plus de cinq cents ouvrages, œuvres complètes, éditions originales, traductions du monde entier, sont à disposition des visiteurs. Difficile de résister à l’envie de redécouvrir La Traversée de Paris dans son édition originale de 1946, ou de s’attarder sur les illustrations de Nathalie Parain pour Le Canard et la panthère.

Les espaces petit-déjeuner, entièrement dédiés à la Franche-Comté de l’enfance de Marcel Aymé, prolongent cette immersion. Le papier peint « pelage » accueille les aquarelles des Contes du chat perché, tandis qu’un dessin réalisé par l’écrivain à 13 ans, représentant la ferme familiale de La Tuilerie, témoigne de ses premiers émois artistiques.

Montmartre, éternel terrain de jeu

Depuis les fenêtres de l’hôtel, le regard porte sur ce Montmartre pittoresque que Marcel Aymé chérissait tant. À quelques minutes à pied, la place Marcel Aymé et sa célèbre statue du Passe-muraille sculptée par Jean Marais perpétuent sa mémoire. Plus loin, le café Le Clairon des chasseurs place du Tertre, où l’écrivain faisait sa partie de cartes quotidienne, ou encore Au Lapin Agile, dirigé par son ami Yves Mathieu.

Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires, a voulu « partager le bonheur » que lui avait donné Marcel Aymé. Mission accomplie : cet hôtel parvient à ressusciter l’esprit d’un quartier et d’une époque, quand Montmartre vibrait encore au rythme de ses artistes et de ses rêveurs.

L’enchanteur de la prose française

Marcel Aymé demeure l’un de ces écrivains qui savent parler à tous les publics. Ses Contes du chat perché enchantent toujours les enfants, tandis que ses romans comme La Vouivre ou ses pièces de théâtre comme Clérambard continuent de séduire les adultes. Cette universalité tient à son style : une prose classique d’une grande retenue, où chaque mot trouve sa juste place.

« Marcel Aymé était un enchanteur qui séduit par une prose classique, faite d’une grande retenue et d’un sens aigu du mot juste », résume Michel Lécureur, biographe de l’écrivain. Un enchanteur qui n’avait « peut-être qu’un défaut : celui de se mettre en colère lorsque la liberté et le droit étaient bafoués. »

En séjournant dans cet hôtel-hommage, on comprend mieux pourquoi Marcel Aymé refusa d’entrer à l’Académie française, préférant « la simplicité et le pittoresque de ses promenades dans Montmartre, ponctuées de parties de cartes avec ses amis ». Un homme libre qui a su garder son libre arbitre, comme le prouve encore aujourd’hui la vivacité de son œuvre.

L’Hôtel Littéraire Marcel Aymé nous rappelle que les grands écrivains ne meurent jamais vraiment : ils continuent de hanter les lieux qu’ils ont aimés, transformant chaque séjour en pèlerinage littéraire.

Une collection littéraire en expansion

Cette approche originale de l’hôtellerie culturelle s’inscrit dans un projet plus vaste. La Société des Hôtels Littéraires développe en effet un concept unique en France, transformant chaque établissement en véritable centre culturel dédié à un auteur.

Le premier de la collection, Le Swann, rend hommage à Marcel Proust dans le raffinement du 8ᵉ arrondissement parisien, non loin des lieux chers à l’auteur d’À la recherche du temps perdu. À Rouen, l’hôtel Gustave Flaubert invite à redécouvrir l’auteur de Madame Bovary dans sa ville natale, tandis qu’à Clermont-Ferrand, l’Alexandre Vialatte célèbre l’humoriste auvergnat, chroniqueur de génie et traducteur de Kafka.

Un établissement dédié à Arthur Rimbaud a également ouvert dans le quartier de la Gare de l’Est, promettant une immersion dans l’univers du poète voyageur. L’Hôtel Littéraire Stendhal à Nancy a quant à lui vu le jour l’année passée. Chaque hôtel propose la même approche immersive : décoration personnalisée, bibliothèques thématiques, œuvres d’art originales et parcours culturels sur les traces de l’écrivain célébré.

Hôtel Littéraire Marcel Aymé
16 rue Tholozé, 75018 Paris

www.hotel-litteraire-marcel-ayme.com
 www.hotelslitteraires.fr

Le fantôme de l’Opéra au Théâtre Antoine : quand la nuit se met à chanter

Le fantôme de l’Opéra au Théâtre Antoine : quand la nuit se met à chanter

Paris n’en finit jamais de se rêver en théâtre. Mais cet automne, c’est une autre ombre, plus ancienne, plus obsédante, qui viendra hanter la scène du Théâtre Antoine : celle du Fantôme de l’Opéra. Sous la plume de Benoît Solès et la direction de Julien Alluguette, le mythe renaît pour offrir une création musicale française, une relecture sensible et flamboyante du roman de Gaston Leroux, où la voix humaine devient miroir de l’âme.

Tempur

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Il y a des nuits qui vous redressent le dos et d’autres qui vous redressent la vie. Tempur appartient à cette seconde catégorie. Derrière son nom un peu futuriste se cache une promesse : celle d’un sommeil calibré comme une mission spatiale, doux comme un atterrissage sur la Lune.

« Le bourgeois gentilhomme » de Molière

« Le bourgeois gentilhomme » de Molière

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Cher Evan Hansen

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Dans l’ombre vibrante du théâtre de la Madeleine, Cher Evan Hansen déploie un univers fait de silence palpable, de mots suspendus et de musique qui nous touche directement. C’est une pièce qui ne cherche pas à impressionner par les artifices, mais à nous inviter, humblement, dans le monde intérieur de ses personnages.