Tristan Baille : Eddie, ravi de te rencontrer.
J’ai assisté à ton dernier défilé. D’où est née cette passion ?
Eddie Corps : Je suis né à Tijuana. Au Mexique. C’était une ville…comment dire…une vie…compliquée. C’était toujours la mentalité du « ailleurs c’est mieux ». Il y avait peu d’opportunités professionnelles. Et en grandissant, évoluant, j’ai vu le monde dans les magazines, les magasins, les documentaires, j’ai découvert la beauté incroyable qui n’existait pas à Tijuana. J’ai rêvé disons…à 11 ans. Suite à un défilé de Galliano. Ça a changé ma vie.

Tristan Baille : Un électrochoc.
Eddie Corps : J’étais curieux. Je me demandais « qu’est-ce que c’est ? ». Alors j’ai cherché. J’ai lu. Mais j’avais même des infos décalées sur le net. J’attendais alors les défilés. C’était une obsession. Les photographes, mannequins, stylistes…je me posais tant de questions. Cela me passionnait. Karl. Mc Queen. Cela m’influençait. C’était si différent de mon existence. Cela symbolisait l’espoir de vivre autre chose. Et tout le monde parlait de Paris. De la haute couture. De l’exigence. Du rêve. De l’art. De l’architecture de la ville lumière…
Tristan Baille : Ces thématiques que tu as…quelle est la source de ton inspiration ?
Eddie Corps : J’ai fait plusieurs activités dans le passé. De la sculpture, de la musique classique, de la danse.
Tristan Baille : Tu chantes d’ailleurs…
Eddie Corps : Oui ! Mais la source c’est la haute couture. Je m’inspire de ce rêve d’entrer un jour dans ce monde fascinant. La tradition. Le savoir-faire. Tout ce qui compose une tenue. Une robe. Le désir de la haute couture m’a sorti d’un monde où je n’étais pas heureux.
Tristan Baille : Pourtant tu restes très fantaisiste. J’ai vu par exemple une tenue très originale. Une fleur.
Eddie Corps : Disons que…à chaque fois que je regarde des créateurs, je me demande comment ils font pour faire tenir une structure. N’ayant pas étudié, je suis autodidacte, j’ai beaucoup expérimenté, ce qui m’a permis de casser les règles tout en les intégrant. Les erreurs, à posteriori, m’ont permis de m’exprimer. Et j’ai eu l’opportunité d’assister à des défilés de haute couture, des créateurs que j’admire.
Tristan Baille : J’ai vu certaines matières et courbes étonnantes.
Eddie Corps : L’organza en soie. J’aime travailler et développer des techniques avec. Une matière qui pourtant ne tient pas et tombe, mais j’apprécie ce jeu, cette contrainte. Créer du volume malgré tout. En faisant attention aux silhouettes qui portent mes pièces. Car j’aime respecter les corps. Leurs formes. Et surtout qui est la personne que tu habilles. Comprendre l’envie des gens. Ce qu’ils veulent changer. Montrer. Que ce soit masculin ou féminin.
Tristan Baille : Il y a tant de choses dans tes défilés. La sensualité avec la transparence. Le raffinement. L’élégance. Le fantastique. La religion.
Eddie Corps : Je pense que même si certaines tenues sont un peu originales, on peut être soi en restant soi même, en restant différent. C’est pourquoi j’aime écouter mes clientes, ce qu’elles veulent. Connaître leur personnalité. J’aime alors prendre des risques tout en faisant mon possible pour qu’elles se sentent bien. Pour un tapis rouge ou ailleurs. Ce doit finalement devenir une tenue extraordinaire à leurs yeux. Qui les fait rêver.
Tristan Baille : Justement. Ce défilé vient d’un voyage.
Eddie Corps : Oui. Au Vatican. J’ai pris des idées que j’avais déjà. Depuis longtemps. Du noir et de blanc. Et offrir un moment de partage, un moment envoûtant. Presque liturgique. Jusqu’à la musique.
Tristan Baille : Tout en prenant le temps de parler aux gens. Tu es très disponible.
Eddie Corps : Oui, j’ai d’ailleurs eu beaucoup de questions sur la tenue dite « de la mariée ». Mais pour moi elle n’en était pas une. Elle représentait un personnage de reine. Inspirée par la miséricorde, certes, en quête de prières et d’espoirs, mais libre. Entre la fragilité et l’affirmation de soi. Une reine marchant dans la beauté qui compose l’histoire.
Tristan Baille : Merci pour ce défilé .
Eddie Corps : Merci à toi.