Le prince Sami.
Le prince est dans la rue. La scène est tragique et, pourtant, le comédien vous apporte des instants poétiques. Le ciel est étoilé, le vent souffle sur le passé, la pluie tambourine sur un cœur meurtri.
Et le dialogue semble s’instaurer entre le père et le fils. Au-delà de la mort et du temps.
L’amour et le respect. Les souvenirs. Jouer au foot. Embrasser celle qu’on aime comme un enfant. Danser. Manger un couscous généreux. Et maudire ce monde trop construit, trop violent, dans la chaleur suffocante. Face a cette vue digne d’un 5 étoiles. À la fois riche et pauvre. Désespéré et joyeux. Agressif. Les gestes saccadés par le traumatisme. La perte des êtres aimés.
Le théâtre de la comédie des champs Élysées pour une histoire tragique. Un homme dans la rue qui s’accroche à son rêve. À des vidéos sur écran géant, comme si on plongeait dans sa mémoire. Parfois défaillante. Il tremble. Se frappe. Pleure. Sourit. Il marche. Il monte. Virevolte. Il se sent libre et fragile. Pathétique et surhumain.
Sami Bouajila a eu le César du meilleur acteur pour « un fils ». Et sa prestation sur les planches est incroyable. Le texte se développe avec une fluidité déconcertante. Une mise en scène de Marie Christine Orry, proche de nos gestes naturels.
L’homme brisé, mal rasé, sur sa butte qui contemple le monde et son existence propre. La ville offre du travail mais il reste exclu. Il insulte. Hurle. Menace. Poète et philosophe malgré lui. Le regard brillant. Perdu. Parlant avec son oiseau. Enfermé dans sa cage sous la force du sirocco.
La pièce d’Emilie Freche se révèle une fable moderne. Un miroir de notre société.
Le jeu est réaliste, similaire à ceux que nous croisons dans la rue. Pourtant, on finit par rire un peu quand le père parle à son fils. La main levée. Une fierté partagée. Chacun admire ce lien du sang. Chacun a le cœur dans le désarroi. L’un n’est plus. L’autre se définit comme un fantôme. Un homme que les femmes ne voient pas. Ne veulent pas. Ne choisissent pas. Parce qu’il n’est pas un prince.
Le Pouvoir de l’argent. L’argent et la délocalisation. La perte d’un travail. Le chômage. La déchéance. L’exclusion, encore.
Mais en sortant du théâtre, je voyais Sami Bouajila comme Un prince. Un vrai.
Par Tristan Baille
Auteur : Emilie Freche
Artiste : Sami Bouajila
Metteur en scène : Marie Christinne Orry
Emplacement : Théâtre des Champs-Elysées
Adresse : 15 Av. Montaigne, 75008 Paris